Archives de septembre, 2011

Pôle emploi vendu aux Chinois.

Le Monde.fr Economie titre le 21 septembre « Le Pôle emploi devrait enregistrer 125 millions d’euros de pertes en 2011 ». Bigre… Poursuivons : « Fin juin, le service public de l’emploi enregistrait un résultat négatif de 121,914 millions d’euros, selon la « présentation du résultat au 30 juin 2011 et de l’atterrissage budgétaire 2011 » transmise aux membres du conseil d’administration, qui se réunit jeudi. Cette somme devrait atteindre 124,624 millions d’euros en fin d’année, selon la même source.

Cependant, le quotidien économique Les Echos a relevé cette semaine que « si le gouvernement n’avait pas décidé de reporter sur l’opérateur certaines dépenses de politique de l’emploi, le compte de résultat de Pôle emploi serait à la fin de cette année en excédent, comme l’an dernier d’ailleurs ». Les Echos ont notamment fait état de quelque 150 millions d’euros non versés en 2011, après 130 millions en 2010, liés au transfert des psychologues de l’AFPA au Pôle emploi et à l’allocation de solidarité spécifique (ASS). »

On peut s’étonner d’une telle information qui positionne Pôle emploi comme une ordinaire société avec, ici, des pertes et, subséquemment, dont on pourrait attendre non seulement un budget équilibré mais, pourquoi pas, des profits !

Pioupiou 44, décidément très mauvais esprit, commente : « Pôle Emploi va perdre son triple A. Les économistes bien-pensants vont lui proposer une bonne cure d’amaigrissement. L’institution va être obligée de vendre ses actifs chômeurs aux Chinois ! Les premières enchères sont prévues le 6 mai 2012 vers 20h15 à Paris… »

On ne saurait mieux dire.(1)

C’est parti…

Ca y est, ça n’a pas traîné : le gouvernement va expérimenter des contrats aidés de sept heures par semaine pour des allocataires du RSA, comme le préconisait le rapport de M. Daubresse dont il a été question dans le précédent article. Mme Roselyne Bachelot annoncera officiellement aujourd’hui vendredi l’expérimentation de 10 000 contrats aidés rémunérés, à expérimenter dans des départements volontaires.

Commentaire de Jean apporté sur ce blog : « La proposition de ce sous-CUI est révoltante et fait fi des personnes. Mais en place et lieu de répondre aux besoins des allocataires, elle répond aux besoins des employeurs, privés et publics puisqu’une étude récente montre que 25% des missions d’intérim dure une journée, qu’un intérimaire travaille en moyenne 60 jours par an soit environ un jour par semaine, et 46% ont moins de 30 ans, donc beaucoup public des missions locales. »

Enfermement

Rappelons ce qu’écrivait Dominique MEDA dans « Le Revenu de Solidarité Active en question » (2) :  « Cela {permettre aux personnes de surmonter les contraintes auxquelles elles sont confrontées et qui les empêchent de retrouver un emploi} suppose d’accepter une augmentation du nombre de personnes recensées comme demandeurs d’emploi et de consacrer les moyens humains nécessaires au renforcement de la capacité d’action du nouvel opérateur issu de la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC. C’est à ce prix – et à ce prix seulement – que l’on peut espérer que les sommes consacrées au RSA produiront pleinement leur effet, à condition aussi que l’on soit capable d’éviter, ensuite, un enfermement des allocataires du RSA dans des durées d’emploi très faibles. » (souligné par nous)

Peau de banane ?

Il faudra également revenir à l’occasion sur cette problématique – un peu plus complexe, semble-t-il – de l’intérim puisque, tout-à-fait récemment (hier), étaient présentés à une ARML les résultats d’une étude concernant les bonnes pratiques des missions locales dans leur rapports aux entreprises dont une partie s’appelle… « Intérim : marche d’escalier ou peau de banane ? »

Pain sur la planche.

L’Association nationale des directeurs de missions locales (ANDML) s’est dotée hier d’un Bureau après un conseil d’administration où la quasi totalité des administrateurs – directeurs étaient présents. Six directeurs-trices accompagnent donc Annie JEANNE donc désormais à l’épicentre de l’ANDML : trois vice-présidents – Antonio CORREIA (Paris), Philippe JOURDAN (Rennes)  et Marie RONDWASSER (Beaulieu-les-Loches), Marie Michèle PISANI (Trésorière, Nanterre), Christine BEGUINOT (Secrétaire, Reims) et Ahmed KASSIM-ISSE (Saint Just-en-Chaussée). Espérons qu’ils-elles n’aspirent pas au repos car il y a du pain sur la planche et même plus.

A suivre, donc.

(1) Le logo reporté ici est emprunté au – toujours – excellent site « La fusion pour les nuls » « L’humour est une révolte supérieure de l’esprit. » André Breton.

(2) La Vie des Idées, 24 avril 2008.

Discount

Transmis par pioupiou44, l’information selon laquelle un article du Figaro se fait l’écho de vingt-deux recommandations – « dont certaines feront du bruit » – de Marc-Philippe Daubresse chargé en mars par l’Elysée de réfléchir au renforcement de « l’accompagnement vers l’emploi des bénéficiaires {d’allocation} et {d’}optimiser les politiques d’insertion ».

Ainsi, le secrétaire général adjoint de l’UMP propose de créer « un contrat unique d’insertion (CUI) de sept heures par semaine, une journée de travail, payé au smic horaire », soit 214 euros nets par mois, à effectuer par exemple dans une association. « En tenant compte de la baisse de leur RSA induite par la reprise d’activité, les allocataires gagneront 130 euros de plus grâce à ce contrat. Le CUI viserait des allocataires « en situation de travailler » mais assez éloignés de l’emploi. » Marc-Philippe Daubresse écrit ainsi dans son rapport « Mission présidentielle sur l’amélioration du rSa et le renforcement de son volet insertion » (1) : « Ma conviction est que l’activité est mobilisatrice et que, bien accompagnée, elle est le premier pas dans un parcours d’insertion, qui peut être long mais l’essentiel est qu’il soit engagé. Je propose donc de créer des CUI de sept heures hebdomadaire, soit l’équivalent d’une journée de travail, à répartir selon la nature des activités concernées. » Les arguments avancés pour justifier cette proposition sont au nombre de trois :

« La création d’un tel CUI a pour objet d’offrir une palette de contrats aidés plus large et de répondre à des difficultés d’accès au marché du travail. »

« Le CUI actuel, d’une durée minimum de 20h d’activité, n’est pas accessible d’emblée pour certains bénéficiaires du rSa, des étapes préalables pouvant être nécessaires. »

« Une vision pragmatique doit reconnaître la diversité des attentes et des possibilités des bénéficiaires de minima sociaux. »

Voici, présentée de cette façon, une proposition qui semble partir d’une bonne intention… mais, en fait, on touche le fond… l’enfer, n’est-ce pas, en est pavé : une journée de travail par semaine, c’est la consécration de l’exceptionnalité du travail mais, contrairement à la règle économique selon laquelle ce qui est rare est cher, on est ici au cœur du discount : 130 euros de plus, soit 4,33 euros par jour, ne permettront pas de s’extraire de la pauvreté, pas plus que rattraper les prix qui flambent, tels les loyers. Alors…

– Offrir une palette plus large ? On demande à voir cette palette, c’est-à-dire concrètement ce que des employeurs associatifs ou des collectivités vont bien pouvoir proposer à des personnes une journée par semaine. On avait le CES à la photocopieuse… à quoi aura-t-on le CUI ?

– Une étape préalable ? S’il s’agit d’un ré-entrainement à l’activité professionnelle, il vaudrait bien mieux, sur cet objectif, un mi-temps permettant de rétablir une horloge régulière de réapprentissage des temporalités car on sait que la désynchronisation des temps sociaux est un symptôme des situations de relégation : se lever chaque matin pour une demie journée de travail est probablement un meilleur training qu’un seul lever hebdomadaire. C’est un peu comme le chômage de rotation : plus les périodes d’activité sont courtes et inversement longues celles d’inactivité, plus le système va vers la désorganisation, vers l’entropie…

– Quant à la « vision pragmatique », sorte d’argument d’autorité qui dédouanerait sans doute d’apporter des explications plus probantes, s’appuyant sur « la diversité des attentes », il faudrait être capable, très « pragmatiquement », de démontrer que les attentes des allocataires sont bien celles d’une journée…  Cela, sauf mauvaise lecture, n’apparaît pas dans le rapport. On aurait même tendance à penser l’inverse puisque « pour la grande majorité des bénéficiaires du rSa, l’objectif est de parvenir à un emploi de type contrat à durée indéterminée » et que « Le CUI est un outil privilégié dans ce parcours » (p. 11) : il faut beaucoup d’imagination pour croire qu’un CUI à une journée puisse être un outil privilégié conduisant à un CDI à temps plein.

Expulsion active

On peut rechercher ailleurs la réponse : « Le refus de ce CUI serait constitutif d’un manquement aux devoirs {de l’allocataire} et entraînerait automatiquement une sanction, conformément à la loi. » Voici donc une proposition qui nous apprend, pour celles et ceux qui n’auraient pas tout compris de la sémiologie et de Roland Barthes, à distinguer ce qui est dit de ce qui est poursuivi, à faire le tri entre l’explicite de l’implicite, à décrypter derrière l’exprimé le subliminal, à tordre le signe pour révéler le sens… L’objectif n’est peut-être pas l’explicite d’accompagner mais peut-être l’implicite de rayer. Il faudrait dans ce cas remplacer le concept en vogue, Commission européenne aidant, d’« inclusion active » par celui d’« expulsion active ». Un jour par semaine, Pierre Larrouturu et sa semaine de quatre jours sont balayés, ce n’est plus le partage du travail mais son aumône… sous condition et épée de Damoclès.

Sans doute, il sera toujours temps plus tard de s’interroger sur la « valeur travail » et ce seront bien entendu les mêmes qui promeuvent à dose allopathique du bad job homéopathique – un jour hebdomadaire – qui regretteront l’époque où le temps du travail permettait que l’on s’y attache, que l’on le considère comme « le grand intégrateur ».

Le plus étonnant dans cette proposition est que, lorsque au titre de la droite dite « sociale » (si elle ne s’en réclamait pas, on se demande ce qui aurait été dit…) Laurent Wauquiez se lança dans une diatribe contre « les dérives de l’assistanat » et le « cancer de la société française », Marc-Philippe Daubresse, embrayant dans le sillon tracé par Roselyne Bachelot, avait jugé les déclarations de l’ancien secrétaire d’Etat à l’emploi « irresponsables ». Une note de Martin Hirsch adressée au même Daubresse évoquait face à la suggestion d’une « contrepartie d’intérêt général » le danger d’effet d’aubaine pour les employeurs et plaidait en revanche pour le recours au contrat unique d’insertion. Rappelons que la durée de travail hebdomadaire du CUI-CAE, celui pour les collectivités territoriales et les associations, correspond au minimum à vingt heures.  Désormais on passerait donc de vingt heures à sept heures… et, faut-il le préciser, la formation – qui n’est pas obligatoire mais encouragée pour le CUI-CAE – appartiendrait de toute évidence au monde des mirages…

En résumé : l’aumône, pas de formation, une durée de travail insuffisamment longue pour permettre la ré-acquisition des savoirs comportementaux, l’épée de Damoclès d’une radiation, l’impossibilité d’un rapport au travail qui mobilise les dimensions sociale (appartenir à une communauté humaine et en être reconnu) et symbolique (s’accomplir)… cela fait vraiment beaucoup.

C’est nouveau. Cela vient de sortir. Cela nous prépare une drôle de société d’autant plus que s’accentue un effet de contraste entre la misère des uns, soupçonnés, et les millions en valises et mallettes des autres qui, rosettes à la boutonnière, voyagent.

Devin

Cette misère, figurez-vous, peut se calculer avec – sic – un « indice du malheur » ou « indicateur de détresse économique » additionnant les taux d’inflation et de chômage. L’inflation étant, pour l’instant, maîtrisée, cet indice ou indicateur est désormais dominé par le chômage… mais on aurait tort de ne regarder celui-ci que sous l’angle des pertes monétaires. Ainsi, on lira Mai Chi Dao et Prasksah Loungani (2) pour qui « Selon des études récentes, les licenciements ont aussi des incidences sur la santé et la vie elle-même. {…} Les licenciements sont corrélés à court terme avec un risque accru de crise cardiaque et autres pathologies liées au stress. A long terme, le taux de mortalité des travailleurs licenciés est supérieur à celui de leurs homologues ayant conservé leur emploi. En ce qui concerne les Etats-Unis, on estime que la surmortalité due au chômage persiste jusqu’à vingt ans après la perte d’emploi et peut se traduire par une espérance de vie réduite d’un à un an et demi. » Ce qui permet de considérer que, subissant plus que d’autres des licenciements, les jeunes commencent leur vie en entamant leur espérance de vie plus que ne l’impliquerait l’avancée naturelle en âge : vieillir précocement puisque vivre la précarité, être vulnérable… c’est se faire des cheveux blancs. Les coûts humains franchissent les générations puisque « La perte d’emploi peut nuire à la réussite scolaire des enfants du chômeur concerné. D’après une étude, les enfants de parents ayant perdu leur emploi ont un risque accru (+ 15%) de redoublement. A long terme, la perte des revenus du père peut amoindrir les perspectives de gains des enfants. Au Canada par exemple, les enfants dont les pères avaient perdu leur emploi gagnaient en moyenne 10% de moins que les enfants des pères l’ayant conservé. »

Sans être devin, on peut s’attendre à l’irruption du thème de la justice sociale parce que ce qui est supporté devient un jour insupportable et que l’insupportabilité n’a pas vocation à être confinée ad aeternam.

Pessimisme.

D’ailleurs, s’agissant d’insupportabilité, on consultera avec intérêt le tout récent (septembre 2011) sondage TNS Sofres pour l’Association des Maires de Grandes Villes (AMGV), « Les Français et l’urgence économique et sociale » (3). Deux questions simplement : « Est-ce que vous avez l’impression que depuis quelques années les gens comme vous vivent mieux ou moins bien qu’avant ? » et « Pour vous personnellement (ou pour quelqu’un de votre foyer), y a-t-il beaucoup de risques, un peu de risque ou aucun risque de chômage dans les mois à venir ? »

A la première question, on comptabilise 75% de « moins bien », 14% de « mieux », 10% de « sans changement » et 1% de « sans opinion ». Sachant que, depuis 1981 TNS Sofres pose cette même question, soit 17 fois, le résultat de septembre est sans appel : ces trois quarts de répondants jugeant que leur situation s’est dégradée représentent le score le plus haut jamais atteint. L’AMGV parle de « record historique »… En 2001, ils n’étaient que 44% et, depuis, la courbe n’a fait que grimper avec une accélération en 2005 où l’on est passé de 50% en 2002 à 70%. Les femmes expriment des jugements plus négatifs que les hommes (77% contre 72%) comme, étonnamment, le noyau dur des adultes en principe stabilisés professionnellement (81% pour les « 25-34 ans » et les « 35-49 ans »). Toujours en ce qui concerne ces jugements négatifs, les revenus moyens obtiennent un score plus élevé (81%) comme, cela n’étonnera personne, les « PCS –» (ouvriers et employés)  plutôt que les cadres. Politiquement, ce sont les deux extrêmes qui sont les plus amers – Front de gauche 90% et Front national 86% -, les sympathisants de l’UMP n’étant que 57%.

Seconde question, le risque du chômage dans les mois à venir : là encore, jamais le risque n’a été aussi élevé depuis cette fois 1988 et 8 sondages. Soit aujourd’hui, exactement les deux tiers des répondants qui estiment qu’il y a des risques (31% « beaucoup de risques » et 35% « un peu de risques »). Les optimistes – « aucun risque » – ne sont que 30%, 2% sont « sans opinion » et 2% ne se posent pas la question… parce qu’ils sont déjà au chômage. Ce qui d’ailleurs, soit dit en passant, devrait augmenter le poids des pessimistes puisque le pourcentage de chômeurs, y compris en incluant les inactifs dans la population mère, est supérieur. Qui plus est, si l’on considère que parmi les optimistes se retrouvent les fonctionnaires jusqu’à présent épargnés par le risque du chômage, on en déduira que la proportion de pessimistes parmi celles et ceux qui travaillent dans le privé est beaucoup plus élevée, probablement de l’ordre des trois quarts. En 1988, année du premier sondage, 50% des répondants estimaient avoir des risques de chômage et, en juin 2010, 62%, soit une augmentation de 4 points en un an. Celles et ceux qui se perçoivent comme les plus exposés sont les femmes (69% contre 64% pour les hommes), cette fois-ci les jeunes (71%) et les séniors (70%) – catégories effectivement au bout du balancier du yo-yo de la flexibilité et des plans sociaux -, les ouvriers (76%), les agriculteurs, artisans et commerçants (75%), les mêmes sympathisants politiques que précédemment (78% Front de gauche et Front national), enfin ceux dont les revenus du ménage sont les plus bas (75% pour « moins de 1200 euros »).

Le syndrome de Kâa…

S’il est désormais commun d’entendre que la confiance est à la base du fonctionnement des marchés, il ne semble pas déraisonnable de penser que la confiance est également une condition point de passage obligé du vivre ensemble et, donc, de la démocratie. Entre l’exemplarité des élites qui a sombré jusqu’à ce que sa simple évocation comme valeur républicaine apparaisse comme l’expression d’un archaïsme et l’amertume qui le dispute à la peur du futur, voici une société bien en mal de projets… Pour Michel Destot, député-maire de Grenoble et président de l’AMGVF, « Il est urgent de redonner espoir aux Français. » On lui souhaite bien du courage.

Slip en coton

Ah oui, c’est vrai : la banque suisse UBS vient de voir un de ses traders perdre deux milliards. Il est des évènements qui, malgré un fond plutôt humaniste et enclin à la compréhension, ne suscitent guère de compassion. Peut-être un problème de mémoire insuffisamment défaillante car souvenons-nous que c’est cette même banque qui avait publié – sic – un « Dress code UBS à l’intention des collaborateurs », soit 44 pages destinées à promouvoir « La réputation d’UBS {qui} constitue notre bien le plus précieux. Adopter un comportement irréprochable implique également d’avoir une présentation impeccable. Les conseillers clientèle sont très souvent les premiers interlocuteurs de nos clients et sont perçus comme les représentants d’UBS. » Le vêtement y est décrit « comme vecteur essentiel de la communication non verbale » – mazette ! -, et subséquemment, « le respect du Dress code dictant une apparence soignée et une présentation correcte contribue à communiquer nos valeurs et notre culture. » Au chapitre « Les sous-vêtements », on pouvait lire : « Pour des raisons esthétiques et d’hygiène, ainsi que pour des questions de bien-être général, nous vous recommandons de porter un maillot de corps. Choisissez vos sous-vêtements de façon à ce qu’ils soient fonctionnels, ne se voient pas par-dessus vos vêtements, ni ne se devinent par-dessous.

Astuces et conseils : l’idéal est de choisir un t-shirt (en coton) fin et ajusté. Les sous-vêtements doivent exclusivement être fabriqués à partir de tissus de qualité supérieure, être facilement lavables mais également rester en bon état au bout de plusieurs lavages. »

Les valeurs et la culture d’UBS passent par des sous-vêtements fonctionnels et invisibles. Probablement s’expriment-elles encore plus précisément par le Monopoly financier de la spéculation avec, cette fois, la case « Pan sur le bec ! Vous avez perdu deux milliards » Comme quoi, l’habit ne fait pas le moine pas plus que les golden boys ne font toujours le bonheur des actionnaires » Pile, tu gagnes ; face, je perds.

 

Ce serait mal venu de conclure sur ces observations à vrai dire peu guillerettes. Heureusement d’autres situations éclairent telles ce week-end du côté du Bourget, comprenne qui pourra, ces émotions avec…

– Joan Baez sous la pluie chantant en français Le déserteur de Boris Vian, très amplement accompagnée par des milliers de voix ;

– La grâce heureuse des danseuses réunionnaises ;

– Cette conférence d’Edgar Morin pour qui le nouveau paradigme, celui de la métamorphose, sera construit des trois branches jusque là séparées et même opposées du socialisme  auxquelles se combinera l’écologie (4);

– Ce refrain entendu partout exprimant à la fois la radicalité et l’espoir… On risque fort de l’entendre beaucoup.

Somme toute, la catharsis a du bon.

(1) Août 2011, p. 13.

(2) « Agir ou se résigner ? », revue Partage n° 216, juin 2011.

(3) Téléchargeable sur le site de l’AMGV.

(4) Edgar Morin auquel j’ai posé la question du comment résoudre le dilemme des temporalités, celle réactive et urgente de la crise et celle nécessairement progressive et lente de l’éducation populaire. Sans réponse. Probablement, cela nous aurait entraînés plus loin et plus longtemps que possible. Pourtant on pouvait lire non loin de là, sur une banderole, cette phrase de Paul Eluard photographiée supra. Or, expliquer cela n’est pas compatible avec l’urgence.

« Les missions locales en pleine crise d’identité » : c’est le titre choisi par Le Monde pour consacrer une page entière en plein mois d’août, le 12… avec ce que l’on imagine d’impact pondéré compte-tenu de la trêve des maillots de bain. A vrai dire, ce titre laisse quelque peu dubitatif car, assez naturellement, on traduirait cette crise d’identité par une crise de croissance, comme pour l’adolescence. Qui plus est, parler de crise d’identité suggère que la victime ne parvient pas ou, du moins, éprouve des difficultés à maîtriser les facteurs de cette crise, bref qu’elle en porte peu ou prou la responsabilité. A un adolescent troublé par les questions existentielles, une fois passée la phase d’écoute et compréhensive, on dit : « Resaisis-toi, enfin ! Grandis ! » D’autre part et sauf rares exceptions (dont la crise économique selon un modèle d’EEG très perturbé), une crise est généralement paroxystique et passagère, ce qui permet de la « traverser » : lorsqu’on parle de « crise structurelle », cela ne signifie pas, comme pour le chômage, qu’elle dure mais qu’elle touche aux fondamentaux. La crise succède généralement au malaise, lui qui peut durer, or ce « malaise dans la société des missions locales » – pour paraphraser Freud – ne date pas d’hier…

Tatami dialectique

Cela étant, Benoît Floc’h (assurément un Breton) qui signe l’article a assez bien compris les données du problème : les missions locales (successivement appelées « organismes », « établissements ») « refusent d’être évaluées uniquement sur le taux de placement en emploi des jeunes ». Bien entendu, en amont de ce refus il y a le principe premier identitaire des missions locales, l’approche globale (« holistique », « systémique », « complexe »). Mais venons-en au tatami dialectique : à droite, l’équipe DGEFP avec Bernard Martinot et Gabrielle Hoppé sponsorisée par la RGPP et la LOLF ; à gauche, l’équipe missions locales avec Serge Papp (Synami), Jean-Patrick Gille (UNML) inspirée par Schwartz et, pour l’illustration vernaculaire, Philippe Jourdan (mission locale de Rennes).

Garde-à-vous

L’historique de cette « crise » part de la circulaire CIVIS accompagnée d’un courrier du DGEFP pour le moins mal tourné puisque, lorsqu’on menace et sauf à morigéner des paillassons, il ne faut pas s’étonner que les menacés se rebiffent : « Je continuerai à signaler à votre attention les missions locales de votre région dont la performance me semble insuffisante… » Peut mieux faire pour favoriser le dialogue social… singulièrement lorsqu’il s’agit d’ouvrir un « dialogue de gestion ». Notons en passant que le fonctionnement en injonctions participe assez communément de l’habitus du haut fonctionnaire : l’administration, on le sait, est très hiérarchisée – c’est même une des caractéristiques saillantes du « phénomène bureaucratique » tel que décrit par Michel Crozier (1963, Seuil) – et y étant, pour peu qu’on ne maîtrise pas ou mal la tendance à l’anthropocentrisme que favorisent les places moins encombrées en haut du cocotier, sans doute croit-on que tout-à-chacun s’accommode du garde-à-vous.

Gabrielle Hoppé, d’ailleurs, reconnaît « un défaut de communication et de compréhension », à traduire en « Nous nous sommes mal exprimés ; on nous a mal compris. »

Solidarité ou compétition ? Coopération ou concurrence ?

Balle au centre… sinon, quand même, que cette rhétorique est un peu courte car que signifierait fondamentalement ce signalement des missions locales moins performantes sinon une logique et même une politique, c’est-à-dire une stratégie, de mise en concurrence ? Bref, un raisonnement parfaitement adapté à l’esprit du temps et à l’idéologie dominante (qui prend l’eau de toutes parts, avez-vous remarqué ?) mais en opposition frontale tant à la philosophie des missions locales qu’à leur organisation en réseau : leur philosophie est celle de la solidarité et non celle de la compétition ; le réseau ce n’est pas la concurrence mais la coopération. On sait que la communication a le dos large – 80% des problèmes de toute organisation sont stockés dans le mot-valise de communication, les 20% restants s’empilent dans celui de « reconnaissance » – mais, bien plus que de simple « bruit » entre émetteur et récepteur, message et feed-back, c’est de la conception de l’identité professionnelle des missions locales dont il est question.

D’un côté, on voudrait des « agents » ou des « opérateurs » déclinant des programmes, dispositifs et mesures au gré des fluctuations d’une politique de l’emploi bien souvent plus tactique que stratégique (le stop and go, la vanne des emplois aidés ouverte et refermée puis ré-ouverte…) et persistant dans une option – la réduction du coût du travail des jeunes par les exonérations – dont un des effets pervers est d’habituer les employeurs à considérer la jeunesse comme un fardeau, que le service public allège, plutôt que comme un investissement (1).

D’un autre côté, il y a des « acteurs » qui défendent pied-à-pied le projet, qui réfutent le prisme sectoriel d’une insertion exclusivement professionnelle, qui partent d’une dialectique privilégiant les besoins des jeunes et les combinant avec ceux du territoire et des économies (marchande, publique et sociale).

Vitesse et précipitation

Voilà depuis des décennies le cœur du problème qui n’est donc pas qu’une ordinaire incommunicabilité qui se règlera en trois coups de cuillère à pot avec trois réunions en septembre et octobre comme le propose la « note complémentaire » de la DGEFP du 19 juillet dernier… réunions auxquelles sont conviés, outre des services de l’Etat, des représentants du CNML et de l’UNML ainsi que « des directeurs de missions locales » (l’ANDML n’étant pas citée comme organisation représentative de ceux-ci : on imagine donc qu’un tirage au sort aléatoire va être organisé pour garantir une représentativité)… mais pas les partenaires sociaux (qui, en principe, représentent les personnels).  Que les partenaires sociaux, acteurs du dialogue social, ne soient pas conviés en bonne intelligence au dialogue sur le dialogue de gestion ne lasse pas d’étonner.

Valeurs républicaines

Notons d’ailleurs dans cette même note que, pour la DGEFP, « La démarche de dialogue de gestion, sous la forme d’une CPO, participe à la reconnaissance de son rôle {celui de la mission locale} au sein du SPE, puisqu’elle contribue à adapter l’offre de service des ML aux besoins des jeunes et garantir l’équité de leur accompagnement sur les territoires… » Dès lors que l’équité, faire plus pour ceux qui ont moins, est mise en avant sans succéder à l’égalité (2), on a toutes les raisons de craindre que la voie subliminale est tracée pour une logique de performance. Rappelons en effet que, si les missions locales ont été créées et existent sur la base d’un principe de double équité (elles travaillent pour les jeunes et pour les jeunes rencontrant des difficultés d’insertion), elles s’inscrivent dans une mission de service public (explicite depuis le Protocole 2000, renforcé avec la loi de cohésion sociale et son article 13) et qu’à ce titre un autre principe, mais premier, est celui de l’égalité d’accès et de traitement : « L’égalité devant la loi implique une même règle du jeu pour tous les citoyens, si divers et inégaux soient-ils. » (3) En d’autres termes, si l’on raisonne objectivement, en traitant le social par le social pour reprendre un précepte célèbre (Durkheim), force est de constater des disparités selon les territoires : les subventions des communes et EPCI varient de un à dix, les Régions soutiennent plus ou moins les missions locales, les Départements ici financent au-delà de la gestion du FAJ et là sont aux abonnés absents… Au regard de cette hétérogénéité qui met en cause le principe républicain d’égalité de traitement, l’action de l’Etat serait bien mieux inspirée en visant la correction des inégalités plutôt que leur accentuation sous couvert de récompenser les « bons » et blâmer les « mauvais ».

Mécanique schizophrénique

Concluons sur cet article du Monde, qui a été l’occasion de digressions, avec l’incohérence soulevée par Jean-Patrick Gille pour qui « On a amélioré l’accompagnement et l’insertion des jeunes. Aujourd’hui, on nous dit, d’un côté : « Les gens que vous avez recrutés ne peuvent pas rester » ; et de l’autre : « C’est sur vos résultats chiffrés que vous serez jugés. » C’est contradictoire! » L’injonction, encore une, est typiquement celle que l’Ecole de Palo Alto a qualifiée de « paradoxale » : la « double contrainte » ou le « double lien » (double bind). Une double contrainte correspond à deux obligations/injonctions contradictoires auxquelles vient se greffer une troisième qui empêche de trouver une solution. Soit, pour le cas qui nous intéresse : « Ayez moins de moyens » (injonction n° 1) ; « Recevez plus de jeunes » (injonction n° 2) ; « Obtenez de meilleurs résultats » (injonction n° 3)

En fait, il existe deux réponses possibles. La première est celle exposée par Ken Loach dans son film Family Life (1971) : devenir schizophrène. La seconde nous est fournie par Serge Papp : « Ne s’occuper que des jeunes les plus rentables, ceux qui sont vite employables et permettront de faire du chiffre, et laisser de côté ceux qui sont au cœur de notre mission : les jeunes en difficulté. » Serge a bien raison… hormis l’usage de « jeunes en difficulté » sans « mis ».

Averti de cet article, Serge Papp l’a lu et, immédiatement, réagi. Laissons lui la parole.

Serge : « Merci Philippe de nous alerter, mais je tiens à démentir, presque certainement, l’expression « jeune en difficulté » que je n’emploie plus depuis belle lurette (ou alors cela m’a échappé, je veux réentendre les bandes, s’il y en a, avant de trainer Le Monde au tribunal…), lui substituant « jeune rencontrant des difficultés ».

Sinon, le titre est nul, aucune mention du rassemblement du Champs de Mars, et tout le reste est quand même très bien… Le combat continue… »

On n’est pas sorti de l’auberge.

P.S. Il faudrait également, pour bien faire, parler de la définition du « projet de structure et/ou associatif » telle que fournie dans cette même note du 19 juillet car considérer que ce projet « est construit en conseil d’administration » et que « son appropriation par l’équipe de la mission locale et sa traduction opérationnelle prennent la forme d’offres de service aux jeunes, aux entreprises et au territoire » est, d’une part, réducteur – un projet associatif s’appuie sur des valeurs et des missions – et, d’autre part, n’est pas sans poser beaucoup de questions… Dont 1) Les conditions d’une appropriation, qui n’est pas l’application d’un règlement intérieur, nécessitent que ce projet soit a minima co-construit par l’équipe (« Les conditions d’atteinte des objectifs comptent tout autant que l’atteinte de ces objectifs. » E. Morin) ; 2) La construction en CA relève dans la très grande majorité des cas d’une vision idyllique de la gouvernance associative au regard de l’implication effective des administrateurs. Bref, il vaudrait bien mieux raisonner en termes de production d’une « communauté professionnelle » incluant les parties prenantes (stakeholders) que sont les administrateurs (dans un rôle d’orientation, de contribution et de validation) et l’équipe (dans un rôle de production et de suggestion), voire les partenaires. Mais à chaque jour suffit sa peine.

(1) Le récent ouvrage de Philippe Askenazy, Les décennies aveugles, Emploi et croissance 1970-2010 (Seuil, 2011), rejoint notre analyse. Mathieu Bunel, dans une note de lecture critique de ce livre, parue dans La vie des idées, indique en ce qui concerne les quarante années de politique de l’emploi : « Toutefois, face aux difficultés d’insertion des jeunes, les gouvernements ont très tôt proposé des mesures spécifiques pour cette population (« Pactes nationaux pour les jeunes » sous Raymond Barre ; « Travaux d’Utilité Collective » sous Laurent Fabius, « Exo-jeunes » et contrats d’emploi solidarité sous Michel Rocard ; Emplois jeunes sous Lionel Jospin ; Tentatives d’instauration du Contrat d’Insertion Professionnelle (CIP) et du Contrat Première Embauche (CPE) sous Edouard Balladur et Dominique de Villepin).

Globalement, si ces politiques ont permis un traitement social du chômage, elles n’ont pas résolu sur le long terme les difficultés d’insertion rencontrées à l’entrée du marché du travail. En outre, ces contrats aidés et autres subventions ont fini par véhiculer dans les mentalités collectives l’idée que les moins de 26 ans étaient par nature difficiles à insérer et globalement moins productifs que leurs aînés. » (souligné par nous). Philippe Askenazy rappelle également, à travers cette présentation détaillée de l’ensemble des dispositifs pour les jeunes, que « la nouveauté est souvent une méconnaissance de l’histoire ». Ainsi, beaucoup d’idées nouvelles qui semblent émerger dans les différents camps des candidats aux prochaines élections présidentielles risquent de n’être que de pâles copies de mesures passées, globalement peu ou pas efficaces et parfois productrices d’effets pervers. » Nous renvoyons les lecteurs à l’article précédent, « Tristes tropiques », où l’on voit l’UMP réunionnais imaginer une nouvelle structure pour les 16-25 ans qui ne soit pas une mission locale tout en correspondant, point par point, à ce qu’est une mission locale…

(2) Le Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique (2008), présenté par Jean-Ludovic Silicani identifie « un corpus de valeurs fondamentales » dont la première catégorie est celle « des valeurs républicaines » avec le triptyque liberté, égalité, fraternité.  De l’égalité, « valeur particulièrement riche » découlent la laïcité, l’impartialité et la neutralité ; à la fraternité, sont rattachées l’équité et le principe de non-discrimination. Pour notre part, l’équité qui vient corriger les inégalités de départ est rattachée à l’égalité plutôt qu’à la fraternité.

(3) André Glucksmann, Liberté, égalité, fraternité, Fondapol, mai 2011. Observons que Fondapol (Fondation pour l’innovation politique) se présente comme un « think tank libéral, progressiste et européen », c’est-à-dire pas exactement situé du même bord que Copernic, la Fondation Jean-Jaurès ou Terra Nova…  

Sur le site de l’UMP 974 (974 étant le numéro départemental de la Réunion), on découvre qu’une « première réunion – débat sur le thème de l’éducation » vient de se tenir et qu’y étaient conviées  des « personnalités qualifiées » telles que Pascal Hoarau et Joël Xavier « représentant des professionnels de l’insertion ». Soit. Félicitons-nous que l’éducation et l’insertion retiennent l’attention de celles et de ceux qui aspirent à représenter l’intérêt général : au regard de la situation réunionnaise, mais non exclusivement, l’une et l’autre ont bien besoin que l’on s’en préoccupe.

Socrate

Passés des constats auxquels Flaubert n’aurait pu qu’annoter dans son Dictionnaire des idées reçues « nul ne peut être contre » (démographie scolaire galopante, taux de scolarisation faible, cet étonnant « fossé {qui} se creuse entre les catégories sociales avec une reproduction de la société à l’école » – les cendres de Bourdieu récupéré par l’analyse de l’UMP s’agitent d’un mouvement brownien dans son urne…), on lira une liste impressionnante de questions, allant des « internats d’excellence » aux « modes de sélection pour l’entrée au collège » et fidèlement, dans le sillon tracé par Luc Chatel, aux « cours d’instruction civique et morale ». Après tout, on sait depuis le questionnement socratique que s’interroger, dès lors qu’on s’extrait du sens commun, est le début de la sagesse et de la construction. Donc, tout va toujours bien.

Cela se gâte cependant avec la dernière question qui mérite un arrêt sur discours : « Faut-il créer des structures dédiées aux 16-25 ans ? » Non qu’elle soit inopportune dans l’absolu mais la réponse qu’elle suscite, elle, laissera plus d’un aussi ébaubi qu’une poule devant une fourchette : « La création d’une structure dédiée aux 16-25 ans. Il s’agit de créer une structure pour renforcer l’accompagnement des jeunes sortis du système scolaire sans qualification. A mi-chemin entre la maison des adolescents et les missions locales, elle devrait permettre une prise en charge globale du jeune. » Apparemment, cette proposition n’a pas suscité de réactions des « personnalités qualifiées », pire : peut-être même en sont-elles à l’origine…

Trou de mémoire.

Il faut donc leur rappeler que, créées en 1982 par ordonnance, les missions locales s’adressent aux jeunes de 16 à 25 ans sortis du système scolaire sans qualification. Que leur principe et même paradigme est celui de « l’approche globale », énoncé par Bertrand Schwartz dans son fameux rapport de 1981 au Premier ministre, Pierre Mauroy… rapport devenu introuvable réédité – grâce à l’ANDML – et commenté en 2007 dans la collection « Les panseurs sociaux » aux éditions Apogée. Que l’article 13 de la loi de cohésion sociale, créant le droit à l’accompagnement pour tout jeune de 16 à 25 ans rencontrant des difficultés d’insertion, en a confié la mise en œuvre aux missions locales qui, aujourd’hui, sont 500 – 4 à la Réunion -, emploient près de 12 000 salariés organisés en branche professionnelle – 230 à la Réunion – et accompagnent chaque année  1 200 000 jeunes – 33 000 à la Réunion (en 2009). Que les missions locales, cofinancées par l’Etat et les collectivités (communes, EPCI, Région et parfois Département), représentent depuis trente ans le fameux « guichet unique » poursuivi par la nettement plus récente fusion ANPE-ASSEDIC qui a produit Pôle emploi.

Audiard

Lorsqu’on étudie et accompagne depuis trente ans la politique d’insertion des jeunes, on ne peut face à une telle proposition qu’hésiter entre le désespoir ou le rire. Rire de la vanité de suggestions fondées sur l’ignorance. Désespérer de ces mêmes suggestions qui, se croyant novatrices, réinventent ce qui est sous leurs yeux et à portée de mains (1) sans même imaginer qu’en créant une nouvelle structure pour le même public, avec le même objectif et selon le même principe, ils édifient le système illisible contre lequel, demain, ils pesteront, déplorant qu’on n’y comprend rien, que structures et dispositifs s’empilent en mille-feuilles, etc. Reste, pour se préserver, l’humour… ici d’un maître, Michel Audiard qui fait dire à Monsieur Fernand, interprété par Lino Ventura dans Les Tontons flingueurs : « Les cons ça ose tout ! C’est même à ça qu’on les reconnaît. »

Si, pour Edgar Morin, « Plus la politique devient technique, plus la compétence démocratique régresse », en la circonstance du fait de l’abysse technique, la compétence démocratique a de beaux jours devant elle. Comme quoi, à toutes choses, malheur est bon.

Newton

A propos de l’Ile intense, une contribution de Pierre… Rappelons que celui-ci est un responsable de secteur pioupiou à Saint-Pierre de la Réunion, étrange contrée de l ‘hémisphère sud où, par esprit de contradiction, le sens des siphons est à l’inverse de ce que nous connaissons ici et où, défiant Newton et la loi de la gravitation universelle, les pioupious ne tombent pas dans « le silence éternel de ces espaces infinis qui nous effraient… » (B. Pascal) – . Bref, à Saint-Pierre, Pierre apporte sa pierre.

Pierre.

« Très chères et très chers lecteurs.

Décalage horaire faisant et croisières estivales aidant, j’ai pris le pas sur notre Labbé tropical et j’ai donc la primeur de vous donner la possibilité de lire Le Monde de vendredi dernier qui nous a consacré une page oui « cinq colonne à la une » ! Tout d’abord et à l’image notre Breton de Philippe, Le Monde  lui aussi doit être frappé d’engourdissement aoutien. Rien de nouveau sous le soleil et sur les berges : la plage ! On nous parle certes d’une circulaire qui a fait naitre des craintes, où les euros fluctuent selon les éléments de contexte et de performance (ce qui pour des lecteurs néophytes reste un bon cap !). On nous parle d’une note du 19 juillet qui confirme un rôle pour les ML d’accompagner les jeunes de façon globale pour une insertion sociale et professionnelle. On souligne la remontrance de Xavier Bertrand qui, au perchoir de l’Assemblée nationale, a déploré que le taux moyens d’insertion des ML était de 28% et qu’il variait selon les régions de 13% à 62%. Par contre, on passe sous silence les objectifs CIVIS qui augmentent de 100% entre 2009 et 2011. On supprime les effectifs du plan de relance et au lieu de revenir aux objectifs de 2009 on maintient ceux de 2010 sans les conseillers du plan de relance. XB dans le rôle de David Copperfield. On ne souligne pas non plus les disparités des territoires où, dans certaines régions, le taux de chômage des jeunes frôle les deux tiers de la population pour être dans d’autres sous la barre des 10%. Et, enfin, rien des pratiques politiques locales où certains maires pour asseoir leur féodalisme n’hésitent pas à créer des organisations paramunicipales d’insertion qui concurrencent les ML.

Vous comprendrez donc mon aigreur à la lecture de cette page. Oui, je sais, diront mes détracteurs à bon escient : c’est déjà, on parle de nous dans Le Monde, cela doit se compter sur la moitié des doigts d’une main les fois où nous avons occupé une page de cet organe ! Ben justement, à l’occuper autant aller soulever les pierres pour voir ce qu’il y a dessous.

Le Petit Philippe du patrimoine mondial de l’UNESCO. »

C’est dit. A suivre.

(1) Suggestion… A la Réunion, des alliances politiques en métropole considérées comme contre-nature sont monnaie courante : « Je te tiens par la barbichette… » Voici une occasion, bien innocente, non de s’allier mais d’échanger. Les « personnalités qualifiées » de l’UMP seraient ainsi bien avisées de s’adresser au PS local pour lui demander une étude réalisée par votre serviteur il y a deux ans pour la CINOR. Elles y liront l’histoire des missions locales en général et les enjeux réunionnais de l’insertion en particulier. Ca s’appelle Etude diagnostic – évaluation des politiques et actions d’insertion sur le territoire de la Cinor ; cela fait 249 pages ; et, si cela n’a guère été suivi d’effets, voilà une occasion que cela serve a minima. Après tout, on peut satisfaire à l’impératif d’efficience de façon différée, c’est mieux que rien !

« Je venais de voir un lièvre patagon, animal magique, et la Patagonie tout entière me transperçait soudain le cœur de la certitude de notre commune présence. Je ne suis ni blasé ni fatigué du monde, cent vies, je le sais, ne me lasseraient pas. » Claude Lanzmann, Le lièvre de Patagonie, Gallimard, 2009, pp. 264-265. Très beau. Passionnant. 750 pages à  lire en prenant son temps. Et comme c’est en poche, collection « Folio », ça ne coûte pas cher.

Inv(c)itation

Publié: septembre 5, 2011 dans Au gré des lectures, Inclassable

Beaucoup de choses, trop, bien trop à dire et à écrire. Et puis, face à cela, l’accélération du temps. Donc, rien d’original ce jour… sinon l’essentiel, c’est-à-dire deux recommandations pour entendre et lire un lecteur, selon ses propres dires, du Monde et du Canard enchaîné : Edgar Morin.

On passera un (très) bon moment à l’écouter en cliquant sur le site de l’émission – excellente chaque jour – Du grain à moudre.

Et puis, avec un peu de courage pour s’extraire du divertissement, avec un tout petit peu d’argent (25 euros), lire ensuite Edgar Morin, aux risques d’une pensée unique. Ca vient tout juste de sortir chez Hermès, « La Revue » (CNRS Editions). « CNRS », voilà qui peut faire peur… et l’on aurait bien tort : un peu plus de 300 pages de très nombreuses contributions de qualité, en commençant par Michel Rocard, en passant par Hervé Sérieyx (qu’on ne présente plus) et, évidemment, Edgar Morin. S’il y a nécessité d’avoir des maîtres à penser, ce dont je suis persuadé sauf vanité misérable, les acteurs de l’insertion devraient se jeter sur Morin et, également, dévorer Michel Serres (je reviendrai sur celui-ci d’ici très peu). Il y a là-dedans toute l’humanité nécessaire pour reconstruire la professionnalité et l’engagement nécessaires à ce métier qu’il ne faut pas, impérativement, laisser dériver vers l’emploi. « Plus largement, je ressens son message comme interdiction d’isolement, comme un devoir de multi-écoute et de multi-disciplinarité. On peut le traduire en obligation de communication. Bref, il est l’un de ceux qui ont le plus fermement contribué à élargir le champ couvert par l’impératif Kantien dans l’art de faire œuvre de civilisation. » Ce sont les derniers mots de Michel Rocard. Je ne pourrai faire autrement, dans d’autres articles, que de revenir sur cet ouvrage.

Coeur(s) pur(s)

Allez, bonus, quelques mots d’Edgar Morin à propos des Indignados : « Pourquoi la jeunesse est-elle une telle force ? Parce que c’est le maillon le plus faible dans la société. Ils ne sont plus dans le cocon de l’enfance ; ils ne sont pas encore intégrés ou domestiqués dans la vie adulte. Et alors, ils ont toutes les aspirations à une vraie vie : plus d’autonomie, plus de communauté ; ça fermente… » Cela rappelle « Les cœurs purs » de Jean-Roger Caussimon. Le parolier de Léo Ferré. J’ai eu le bonheur de le connaître et ça nous change de DSK.

A suivre.