Une solide contribution de David – en fait, deux contributions, ici mises bout-à-bout (indiquées 1 et 2) – sur l’article « Le chômage des jeunes n’est pas une fatalité. 1/n ». La thèse de David ne m’apparaît d’ailleurs pas totalement en opposition à ce que j’avançais, c’est-à-dire la nécessité d’une politique d’emploi spécifique pour les jeunes. David maintient l’importance et la pertinence d’une spécificité « jeunes » mais en déplaçant ou, plus exactement, en élargissant le champ d’une politique d’emploi à une politique jeunesse(s). Il l’avait d’ailleurs déjà écrit dans un commentaire (17 décembre 2008) : « … je souscris assez volontiers à l’idée de considérer que l’inscription des ML dans le SPE relève d’une erreur historique et stratégique majeure dont nous voyons se profiler les probables conséquences actuellement avec les répliques telluriques de la constitution de Pôle Emploi. Je fais partie des directeurs de ML (et oui le management n’est pas monobloc comme les salariés, les patrons, les jeunes..etc) qui ne se sont pas sentis gonflés d’aise et de fierté lorsqu’ils ont cru accéder à cette haute reconnaissance de l’entrée dans le sacro-saint SPE ! Ce fut plus vraisemblablement un leurre tissé par les hiérarques de l’ANPE et de la DGEFP grâce auquel certains représentants du réseau autoproclamés représentatifs nous ont amené à nous engager dans de souriantes conventions de sous-traitance. Je serais assez partisan que nos débats nous engagent à envisager un retrait des ML du SPE ! « Hérésie » entends-je déjà, « tu veux nous voir disparaître ? » Pas du tout, je pense qu’il s’agit même d’une question de survie de la spécificité Jeunes et du mode opératoire des ML.
Quels pourraient être nos horizons ? Rappelons que nous avons été créés dans l’interministérialité. Et s’il faut être rattaché à un Ministère, pourquoi pas à celui de l’Education Nationale et de la Jeunesse, ce serait plus incohérent ? »
Ce qui est certain c’est que, d’une part, la jeunesse ne se résume pas à l’accès à l’emploi et que, d’autre part, les missions locales n’avaient pas été créées pour ce seul registre. Progressivement, elles sont devenues des outils de la politique de l’emploi – main basse sur elles par la DGEFP – et de la politique de la formation – cette fois avec la loi quinquennale de 1993. Lorsqu’on les compare à d’autres grands réseaux se réclamant eux aussi de l’éducation populaire (« permanente » pour Bertrand Schwartz) tels que les FJT ou les centres sociaux, avec en particulier l’idée juste et systémique d’ « approche globale », force est de constater que cette dernière est plus discursive qu’effective. Ceci avait d’ailleurs motivé des débats (Jean-Christophe, 27 février 2009, Manuel, 27 mars 2009…). Ceci, également, permet de comprendre l’ambiguïté permanente, historique, subie par les missions locales (mais, certainement, aussi alimentée par celles-ci) qui « s’accrochent » à l’approche globale mais ne sont jugées et évaluées que sur l’accès à l’emploi. David propose donc de déplacer la perspective et, plutôt que de redistribuer les cartes, de changer les règles du jeu. Il a, sur le fond, raison.
Quant au vent qui souffle sur les missions locales, rien n’est moins certain qu’il les pousse de ce côté et, quant à la volonté et à la capacité de ces dernières à y résister… mieux vaut ne pas trop parier. Quelques lignes de la fin de Moderniser sans exclure : « Dans un tel contexte, ils {les jeunes} ont avant tout besoin d’écoute, d’accueil, d’information, mais aussi d’une réflexion leur permettant d’évoluer, de sérier leurs problèmes et de se prendre en main. Telle a été et est encore {à voir…} la tâche des missions locales : aller chercher ces jeunes et non seulement les attendre, les aider à réfléchir, à se recomposer une identité, travailleur avec eux pour leur permettre d’affronter l’ensemble de leurs problèmes, les responsabiliser, négocier avec eux. C’est tout cela l’insertion sociale, indissociable évidemment de l’insertion professionnelle. » (Bertrand Schwartz, p. 241 de l’édition La Découverte, 1997).
David :
(1) « Exceptionnellement, je m’autoriserais à ne pas partager totalement et spontanément ta réflexion sur les spécificités à entretenir d’une politique de l’emploi à destination des jeunes, en ayant la prudence de préciser que j’en suis bien plus au stade des doutes et des interrogations que des certitudes !
En signalant pour commencer que la remarque de M. Reverchon n’est pas totalement iconoclaste car elle me semble faire écho à une réflexion de même tonalité émise par Cécile Van de Velde lors de son audition devant la commission « Jeunesse » du Sénat : le moins que l’on puisse considérer est que Mme Van de Velde a un petit peu travaillé le sujet, notamment par une étude comparative des situations des jeunes dans différents pays européens {David fait référence à l’ouvrage de Cécile Van de Velde, Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe, paru aux PUF en 2008 dans la collection « Le Lien social »}.
Il me semble en outre que cette mise en question de l’approche spécifique Jeunes dans les politiques françaises de l’emploi ne s’oppose pas nécessairement à ce que tu relèves de ton côté en soutien à l’initiative (à laquelle j’adhère personnellement à 100%) des partenaires sociaux de la branche des Missions locales /PAIO. Car, en effet, qu’est ce qui caractérise le plus les spécificités de ces politiques de l’emploi vers les jeunes ? Principalement des formes d’emploi atypiques (au regard des principes, certes en danger mais toujours en vigueur, de notre droit du travail), abouties (contrats aidés, emploi-jeunes…) ou tentées (CIP, CPE…) qui, hypothèse, ont contribué à forger l’idée (en particulier chez les employeurs) que la jeunesse est à ce point sous-productive par nature qu’elle ne peut être estimée à la même valeur (statutaire, rémunératrice…) que les plus expérimentés. Force est de constater de plus que, malgré l’imagination féconde des cabinets ministériels et autres cerveaux de la DGEFP, la position des jeunes pour l’accès au premier emploi et, plus globalement, sur le marché du travail, n’a pas été profondément bouleversée au cours des 30 dernières années…
Cette analyse ne me semble pas contradictoire avec l’affirmation de la nécessité, et j’y souscris, pour notre société d’accorder une attention particulière à ce moment de la vie plein d’incertitudes et de fragilité qu’est la Jeunesse pour faire en sorte de baliser et d’assurer le difficile chemin vers l’ « adultéité ». A cet effet, les missions locales ont plus que jamais des raisons d’exister, reconnues et renforcées. Car, en effet, quel autre objet ont-elles (écoutons ce que nous disent les jeunes) que d’être présentes, disponibles, accessibles, rassurantes, stimulantes… pour accompagner ces jeunes dans la quête des différents vecteurs de l’autonomie ? Nous savons tous que l’emploi, dans ses formes actuelles, s’il est nécessaire, est loin d’être suffisant pour assurer cette conquête de l’autonomie, qu’il est devenu autant un moyen qu’une fin.
Alors oui, bien sûr, les missions locales sont fortement mobilisées, et avec compétence, pour accompagner les jeunes vers et dans l’emploi ! Mais elles représentent beaucoup plus que cela et, finalement, sont-elles réellement une composante de la politique de l’emploi ou du service public de l’emploi ? Je suis convaincu que, par nature, elles vont bien au-delà et que c’est pour cela qu’elles demeurent globalement pertinentes pour accompagner les jeunes. Dès lors, les jeunes et ceux qui sont à leur côté auraient-ils tant à perdre à ce que l’on cesse de considérer la Jeunesse comme une catégorie de sous-salariat ? La question mérite bien d’être posée, non ?
(2) Confusions encore trop souvent alimentées par les missions locales elles-mêmes lorsqu’elles continuent de s’évertuer à être dans le Service Public de l’Emploi alors qu’elles débordent, et de loin, en réponse aux besoins des jeunes, le traitement des seules questions d’emploi. Les Missions locales sont bien davantage à leur place à l’avant-garde d’un service public de la jeunesse, à (re)composer, qu’un supplétif « consacré » parfois, en Picardie par exemple, au statut de variable d’ajustement du SPE. « La Mission Locale, j’y viens, j’y tiens »… parce que, justement, elle est de nature très différente voire opposée à celle de Pôle emploi, MdE ou autres… »
A vos claviers !