Ex-rugbyman, ex-financier… et directeur de mission locale.

Gestation

Cela tombe à merveille. Cela ? Cette contribution de Régis sur l’article « Efficacité et performance ». Pour deux raisons. Première raison, quelques articles en gestation qui exigent un temps long, difficilement compatible avec le rythme d’une « production » quotidienne ou presque si celle-ci est assumée seul : Régis contribue à faire vivre collectivement ce blog ; qu’il en soit, lui et d’autres contributeurs, très sincèrement remercié. Seconde raison : je craignais que, tout compte fait, cette analyse s’échoue dans sa tentative de démontrer qu’efficacité et performance, loin de se compléter (la performance étant en quelque sorte une prolongation de l’efficacité), s’opposaient, que la performance rongeait l’efficacité et que, d’un strict point de vue d’efficience, elle était même contre-productive. Régis apporte avec ce prisme de la performance collective via l’esprit d’équipe une nuance. Le débat est donc toujours là et c’est bien.

Régis : Père Formant = Père Noël ou Père Fouettard ?

« L’Est de la France venant de fêter la Saint-Nicolas, ce titre m’est apparu comme le mieux correspondre aux enjeux tracés par la  notion de performance…

Ma première fréquentation avec celle-ci vient du milieu sportif où sa recherche est la source de la victoire… Ayant pratiqué le rugby, il convient de distinguer la performance individuelle – source d’individualisme et d’isolement – de celle collective… qui seule permet de se surpasser individuellement…. Donc il faut jouer en équipe. Il ne faut pas oublier non plus que cette recherche de la performance doit se faire dans le plaisir du jouer ensemble et non dans des produits dopants (EPO = CPO ?) ou dans la volonté d’écraser l’adversaire. La reconnaissance vient des spectateurs, des adversaires d’un jour et des partenaires…

Ma deuxième vient du milieu financier où celle-ci est analysée sur la base des critères de la micro-économie : recherche de productivité pour optimiser les résultats, investissements sur des créneaux porteurs pour préserver l’avenir. L’analyse sociale a aussi été tentée – par une ancienne secrétaire générale d’un syndicat qui avait fondé une agence de notation et qui est devenue médiatrice pour un grand groupe de transport ferré – mais a peu été suivie d’effets… Le grand défaut de cette analyse est d’oublier les effets dévastateurs qui peuvent être produits au niveau de la société : pollution, licenciements boursiers, stress et suicides…

Donc, à la direction d’une Mission locale, je serais à nouveau confronté à cette logique de la recherche de la performance à tout prix ?

Pression…

Je le pense, oui, mais on peut réduire les effets de cette pression.

– Il faut toujours faire référence aux valeurs qui guident notre action ; il ne faut jamais oublier la raison de notre travail et, dès lors, rechercher, avec son équipe, la meilleure voie pour permettre aux jeunes de réussir leur insertion professionnelle et sociale… en prenant en compte le contexte économique et social.

– De cela, une conséquence : il ne faut pas tomber dans la logique de la gestion par des objectifs individuels, mais chercher – comme en rugby – la performance collective au service des jeunes, que ce soit en interne ou au niveau du réseau.

Sur ce dernier point, deux remarques :

– Je ne comprends toujours pas pourquoi le dossier d’un jeune qui déménage ne peut être transféré automatiquement entre deux ML (on pourrait parler – avec humour – de lutte contre le décrochage) et j’espère que la création de l’institut Bertrand Schwartz va favoriser les échanges entre Missions Locales pour mutualiser les pratiques et les expériences et éviter à chacune de réinventer l’eau chaude ou tiède. Pour éviter d’avoir la tête dans le guidon, regardons ce qui se fait chez nos voisins, échangeons et partageons. Mais cela ne doit être réduit qu’aux seuls directeurs ou ne se pratiquer qu’au sein de sa région.

Sautes d’humeur de l’environnement.

– On ne peut empêcher un financeur de définir ses propres critères d’appréciation du travail fourni et des résultats obtenus. Par contre, il faut toujours être en capacité d’argumenter pour replacer l’action de la Mission Locale dans un cadre plus global : comme tout bon entraîneur, il faut avoir clairement arrêté une stratégie et défini une tactique pour s’adapter aux sautes d’humeur de l’environnement. Quand on voit, dans les documents budgétaires, que le seul indicateur retenu pour apprécier l’utilisation des fonds alloués aux Missions Locales est la sortie en emploi durable des jeunes CIVIS, il est évident que chaque ML, par solidarité collective, doit tout faire pour que ce programme d’accompagnement porte des effets positifs pour les jeunes. Par contre, là où le bât blesse, c’est au niveau de l’évaluation dans le réseau des Missions Locales. Si on ne veut pas se voir imposer le système d’appréciation de l’autre, soit on définit le sien et soit on le partage, soit on change de domaine, pour traduire le « un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne » de Jean-Pierre Chevènement !

Pour conclure, il apparaît évident que cette pression va s’accentuer avec les crises qui se succèdent, avec la raréfaction des fonds publics. Deux traductions à court terme : le blocage de 5% des financements pour maintenir l’objectif de réduction des déficits publics et le couplage de Parcours 3 et d’ICARE. S’indigner oui… mais, aussi et surtout, agir en réseau qui ne s’interdit pas de se remettre en question, de s’interroger sur son fonctionnement et de proposer de nouvelles voies d’actions. Se servir du présent pour préparer l’avenir des jeunes qui est bien sombre. »

C’est dit. Et plutôt bien.

A suivre.

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