On le sait, les missions locales picardes sont menacées d’absorption : une contribution de Richard et une protestation de la CGT.
Richard : soyons clairs…
Les missions locales ont ce « quelque chose » de particulier : elles concentrent toutes les énergies pour faciliter l’insertion sociale et professionnelle des 16-25 ans sortis de l’école. Elles s’appuient sur des partenaires, un territoire, et une approche globale visant à tenir compte de tous les freins possibles et imaginables dans un parcours d’insertion (cf. l’emploi, l’orientation, la formation, l’image de soi, la santé, le logement …).
Les politiques liées à la jeunesse, à l’emploi et la formation sont actuellement amenées à évoluer pour créer une meilleure offre en direction des publics.
Soyons clairs, une démarche menée à terme de fusion des Maisons de l’Emploi et de la Formation et des Missions Locales aurait pour très claire conséquence la fragilisation du réseau des missions locales créé en 1982 à la suite de la rédaction du rapport « Schwartz » sous l’impulsion de Pierre Mauroy.
D’une part, une fusion juridique MEF-Mission Locale et autres structures liées à l’insertion et l’emploi transforme les missions locales en simple « service » en direction des jeunes à l’intérieur des MEF. L’entité juridique « mission locale » en disparaissant entraîne automatiquement une fragilisation du réseau national des missions locales. Pourtant, les missions locales font partie du Service Public de l’Emploi et ont 27 ans d’existence ! Elles ont pu démontrer leur caractère incontournable pour contribuer à la réussite sociale et professionnelle des jeunes âgés de 16 à 25 ans et sortis du système scolaire.
D’autre part, les Maisons de l’Emploi et Maisons de l’Emploi et de la Formation actuelles sont encore plutôt mal identifiées et ne sont pas dotées de moyens aussi importants que les missions locales. Cette fragilité des MDE/MEF laisse imaginer une probable charge complémentaire pour les missions locales.
La fusion de ces structures laisse prévoir de nouvelles sources de difficultés liées à l’offre de services. Si l’on imagine un nouveau service de l’emploi et la formation accueillant un public jeune et adulte, des moyens complémentaires doivent être octroyés à la nouvelle structure. Cette nécessité doit être encore plus vitale si l’on souhaite proposer une offre de services « commune » mettant en avant l’approche globale.
La réflexion de la Région et de l’Etat visant à permettre une meilleure prise en compte des publics, et notamment les plus fragiles, est bien sûr à encourager. La Maison de l’Emploi et de la Formation à imaginer est une piste intéressante. Mon ancienneté dans le réseau me laisse penser que cette maison – pour être efficace – doit regrouper les acteurs utiles à l’insertion socioprofessionnelle des publics. Elle doit aussi permettre à ces acteurs de conserver pleinement leurs identités.
Ces évolutions, pour être harmonieuses, doivent privilégier impérativement une concertation complète avec tous les acteurs concernés : élus, structures, salariés, bénéficiaires. »
La CGT opposée aux dissolutions…
De son côté, la Fédération CGT des Personnels des organismes sociaux diffuse dans le réseau depuis le 25 juin un tract « Disparition des missions locales en Picardie. Le refus de la CGT ! » Le texte, in extenso.
« Pour la CGT la logique engagée par le conseil régional de Picardie, vise la dissolution des Missions locales, sous couvert de rapprochement entre les missions locales, les PLIE et les Maisons de l’emploi pour créer des « MEF » (maisons de l’emploi et de la formation). La CGT s’oppose à ces dissolutions.
Le 18 février dernier, un courrier est adressé à Monsieur Laurent Wauquiez, Secrétaire d’Etat à l’Emploi, pour l’alerter notamment du fait que :
Le Conseil Régional de Picardie méconnaît les dispositions de la Loi du 13 Août 2004 relative aux responsabilités locales en prenant délibérément le pilotage de l’AIOA 16 / 25 ans . Nous citions dans notre courrier un extrait des débats sur l’amendement lié au retrait de l’article 11 de la dite Loi en discussion : «La politique en faveur des jeunes en difficulté, et les missions locales et PAIO doivent faire l’objet d’une politique cohérente à l’échelon national. Au demeurant, les partenariats qui existent aujourd’hui donnent en général satisfaction et il n’est pas opportun de créer une confusion et des sources de contentieux dans ce secteur, qui seraient préjudiciables au final à ces jeunes en difficulté».
– Le Conseil Régional de Picardie supprime les Missions Locales pour les absorber dans des « Maisons de l’Emploi et de la formation » (MEF), sans tenir compte de la Loi évoquée plus haut, ni du devenir des contrats de travail, ni de la mission de service public dévolue spécifiquement aux Missions Locales.
Dans sa réponse récente du 16 juin 2009, le cabinet de Laurent Wauquiez, précise qu’il appartient aux services de la Préfecture de Région d’exercer le contrôle de légalité et qu’il a demandé à la DGEFP d’examiner ce dossier avec attention.
Sur ces motifs, la CGT demande de surseoir à toutes décisions découlant du projet de SPROAFP Picardie, dans l’attente de l’exercice du contrôle par le Préfet de Région, ainsi que de la réponse de la DGEFP.
C’est ainsi que la CGT demande l’annulation de toute décision de dissolution de la Mission Locale auprès des autorités compétentes et rappelle encore une fois : « Il n’est pas opportun de créer une confusion et des sources de contentieux dans ce secteur, qui seraient préjudiciables au final à ces jeunes en difficulté. »
Un réseau ?
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ce qui se passe en Picardie ne concerne pas que les Picards. Cela met en effet en cause l’existence d’une politique spécifique à deux titres, pour les jeunes et non contingentée à l’emploi. Bref, ce réseau régional, déjà passé par des moments difficiles, souffre. Je peux en témoigner pour en avoir parlé directement, en Picardie, avec des acteurs locaux. Dès lors que les missions locales sont capables de revendiquer une appartenance de réseau, on peut à juste titre attendre une mobilisation dépassant les « frontières » picardes : que la CGT proteste, cela semble aller de soi. Mais qu’en est-il des autres organisations – signataires d’un très récent Manifeste – qui, à des titres divers, n’hésitent pas à recourir à cette notion de réseau ?
De deux choses l’une : ou le réseau n’est qu’incantatoire, de même que la mission de service public (qui s’exerce dans le cadre de la continuité républicaine sur tout le territoire national), ou le réseau est effectif. Dans le premier cas, il faut laisser ces Picards entre eux, face à leurs cathédrales, betteraves et élus… sachant que, si ces absorptions aboutissent, leur exemplarité ne manquera pas d’essaimer dans d’autres régions. Le ver sera dans le fruit. Dans le second cas, aucune mission locale, aucune ARML, ne devraient se sentir étrangères. Que, comme l’écrit Richard, on encourage « une meilleure prise en compte des publics » ne peut être que soutenu par tous : c’est ici une logique de mutualisation, de mise en synergie, à promouvoir a contrario des concurrences exacerbées par des installations de dispositifs et de structures répondant plus souvent à des aubaines électoralistes qu’aux critères définitoires de la mission de service public que sont l’égalité d’accès, l’égalité de traitement et la transparence. Il est pourtant simple de coopérer… avec a minima une condition, comme l’écrit encore Richard : que « les acteurs conservent pleinement leurs identités ». Si tel n’était pas le cas, il ne faudrait pas s’étonner d’avoir étouffé l’engagement pourtant essentiel qu’exige le travail d’insertion. Il sera temps, à ce moment, de gémir. Autrement dit, il y a deux fautes : une faute stratégique, sur le long terme, qui met en place les conditions d’un désengagement ; une faute tactique, sur le court terme, qui fragilise les structures en front-line face à l’accroissement du chômage des jeunes. Si gouverner c’est prévoir et si les faits sociaux sont têtus, on peut s’interroger sur les causes de « la malédiction picarde »… et trouver sans peine leurs responsables.