Sous le titre « Le secrétaire d’État chargé de l’emploi ne sait peut-être pas « à quoi sert » une mission locale, mais il apprend. » Benoît Willot rapporte sur Emploi et Création (http://www.emploietcreation.info/article-27121707.html), la visite de Laurent Wauquiez, accompagné de Martin Hirsch, à la mission locale des Bords de Marne (Le Perreux) le 19 janvier 2009. Tel que le secrétaire d’État la narre sur son blog (http://www.wauquiez.net/?page=detail_actu&id=42).
Chronologie…
On constate qu’outre le sec et le mouillé (« J’arrive totalement trempé, des trombes d’eau me sont tombés dessus pendant le moto-taxi… »), Laurent Wauquiez fait de battre le fer chaud et froid un véritable art puisque, s’il ignorait il y a quelque temps ce que faisaient les missions locales (cf. sur ce blog « Il faut informer Laurent Wauquiez »), celle des Bords de Marne est ointe : « Une mission locale exemplaire, une des toutes premières, créée en 1990. » Si c’est en 1990, elle n’est certainement pas une des tous premières, l’ordonnance de création des missions locales datant de mars 1982… mais soyons bon prince au regard des subtilités concernant les PAIO et les missions locales.
Ban bourguignon…
Ceci étant, c’est vrai, cette mission locale est, sinon exemplaire, du moins remarquable : on y dispose d’un projet associatif, l’approche globale n’y est pas reléguée au bénéfice du seul emploi, la veille y est organisée (avec un diagnostic socioéconomique glissant), la communication circule (avec un blog, des personnels formés à l’écriture professionnelle…) et il faut avoir vécu la reprise en chœur du « ban bourguignon » lors d’un séminaire en résidentiel de toute l’équipe pour prendre la mesure d’un climat social entretenu par Moncef, le directeur.
Recalibrer P3…
L.W. : « Je ne me lasse jamais de cet exercice : l’emploi, ce ne sont pas des chiffres, c’est avant tout des histoires humaines, des parcours, des réussites et des échecs dont il faut se relever, et une heure d’échange ça vaut tous les dossiers du monde. » Voilà qui nous change radicalement des « indicateurs de performance » et autre placement « rapide » en emploi ! « Une heure d’échange »… Au fait, comment vont faire les missions locales où l’administrateur P3 a paramétré les plages d’entretiens des conseillers sur la base d’une demi-heure en face-à-face, excepté le premier entretien (il y a tant à enregistrer…), + un quart d’heure de saisie ?
Je connais Martin…
Le secrétaire d’État assure qu’il va mener avec le nouveau Haut commissaire à la jeunesse Martin Hirsch « un véritable travail d’équipe » sur l’emploi des jeunes : « Aucun doute qu’on va y arriver : je connais Martin, on a travaillé ensemble il y a quelques années, lorsque j’étais député et lui président d’Emmaüs. » Ce que va pouvoir apporter Martin, c’est « de la cohérence entre différentes dimension, rapprocher l’emploi des problématiques liées à l’éducation, le logement, etc. » Et Benoît Willot d’ajouter finement « L’objet même des missions locales, en quelque sorte… »
Lenteur du métabolisme social…
L.W. : « On sait tous que la crise menace avant tout les plus fragiles, je pense en particulier aux 120 000 jeunes qui sortent sans qualification du système scolaire » Faisons un petit calcul. En 1981, lorsque Bertrand Schwartz écrit son rapport, ce sont 200 000 jeunes qui sortent ainsi du système de formation initiale. Ce qui lui fait écrire dans la première page du rapport : « Le problème scolaire pèse aujourd’hui d’un poids que tout le monde s’accorde à reconnaître comme lourd : si ce poids n’est pas rapidement allégé, il serait même à redouter que nos propositions elles-mêmes en soient affaiblies. » 28 ans plus tard, 120 000. A ce rythme – 2 857 par an – et en réfutant le principe d’un seuil incompressible, on peut espérer résoudre la question des sorties sans qualification ni diplôme dans 42 ans, en 2051. Voilà un travail d’équipe qui fêtera des noces de diamant et s’achèvera dans un service de soins palliatifs.
Des commentaires…
Toujours sur son blog, quelques commentaires succèdent au récit de L.W.
Freins… Stéphane (ML de Saint Quentin en Yvelines), rappelle que « la spécificité d’une mission locale est l’approche globale du jeune c’est-à-dire que l’on ne traite pas que de l’emploi mais avant tout la situation du jeune à un moment donné pour que l’on puisse lui enlever les « freins » qui le conduirait à sa non insertion ! » C’est bien de lever les freins… mais, avant de s’en occuper, prend-t-on le soin et la posture d’identifier les atouts ? « Le regard fait l’objet » écrivait Bachelard et, en écho, Howard S. Becker ajoutait dans Outsiders « On se conforme au jugement porté sur soi. » Regarder le jeune comme une ressource et s’attacher à ses atouts est, dès le premier regard, une condition favorable à la dynamisation. « Une pédagogie de la réussite », disait-on dans les années 80…
Enthousiaste… François, enthousiasmé d’apprendre que le secrétaire d’État « a fait le pas d’aller rencontrer les missions locales », en appelle au « soutien {de L.W.} pour permettre aux jeunes de réussir leur insertion professionnelle. »
Que le gouvernement s’explique… Fabian et Jérémy plaident pour les missions locales, s’en prennent au contrat d’autonomie « tout juste bon pour alimenter le privé ». Fabian « attend véritablement une explication sur les carences du gouvernement notamment sur l’absence de connaissance ou de reconnaissance du réseau des Missions Locales en France. » alors que Jérémy s’interroge « sur le décalage entre la politique annoncée et la réalité du terrain. »
Républicaine… Pour Bea, il y a nécessité de réformer le système scolaire « avec pragmatisme et écoute », d’autant plus que la prolifération « des cours particuliers, proposés par des entreprises privées et accessibles aux plus riches » va à l’encontre d’« une réussite de tous par l’Ecole de la République ».
Il faut informer les services déconcentrés !
Au moment où les effets de la crise se font de plus en plus concrètement sentir – les chiffres du chômage ne seront connus que lundi prochain mais d’ores et déjà L.W. en visite au Pôle Emploi de Colomiers en Haute-Garonne a dit s’attendre à de « mauvais chiffres », « On rentre dans une période de crise dure, ça se voit, on va avoir des mauvais chiffres du chômage. » – il est probable que les missions locales vont gagner en affection. Faisons en sorte que cette sympathie ne soit pas que conjoncturelle et mute en véritable reconnaissance… avec ce que cela signifie en termes de soutien institutionnel et financier, de validation du principe d’approche globale y compris sinon surtout dans l’évaluation des missions locales : si le secrétaire d’État recherche « la cohérence entre différentes dimension, rapprocher l’emploi des problématiques liées à l’éducation, le logement, etc. », il faut prendre sa parole au pied de la lettre et informer non plus Laurent Wauquiez mais ses services déconcentrés que, désormais, l’évaluation n’est plus réduite au seul indicateur d’accès à l’emploi durable. Enfin !
PS. Qui a dit « Il ne faut pas rêver ? » Et l’optimisme de la volonté, alors ?