I… comme Icare…
L’UNML vient d’éditer son « Flash » n° 93, daté de décembre 2008, sur le thème « Les missions locales et la mise en oeuvre du contrat d’autonomie ». On remarquera la souplesse rhétorique, belle illustration de l’euphémisation : les pouvoirs publics appellent « vigoureusement la pleine collaboration des Missions locales »… On imagine la force et la vigueur. Sans peine, on imagine également les franches conditions contractuelles lorsque les services déconcentrés font part aux missions locales « des risques sur les renégociations des CPO » qui « ne répondraient pas pleinement à leurs attentes ». Stanley Milgram démontrait quels étaient les ressorts de La soumission à l’autorité (1974) : le film I comme Icare s’en est inspiré. Disons qu’aujourd’hui, à la blouse blanche du professeur s’est substitué le porte-monnaie du financeur. Autres temps, autres mœurs… qui, toutefois, n’évitent pas un débat très rarement, sinon jamais abordé, dans le secteur de l’insertion : l’autonomie associative. Celle-là même qui permet et fonde le « projet associatif » prévu dans la circulaire DGEFP n° 2007-26 du 12 octobre 2007 relative au financement du réseau des missions locales et PAIO : « Le financement des missions locales s’inscrit dans le régime des subventions : il est accordé sur la base d’un projet associatif présenté par le président de la mission locale. Il doit s’assurer d’une cohérence entre les objectifs fixés en fonction des besoins du territoire et l’allocation des moyens par l’Etat. »
Une synthèse entre hétéronomie et autonomie…
Que, concrètement, les missions locales contribuent activement, non pas au succès du contrat d’autonomie, mais à ce que les jeunes potentiellement bénéficiaires puissent s’y inscrire (ce n’est pas la même priorité : dans un cas, le programme est discriminant, dans l’autre c’est le jeune) va de soi. Pour deux raisons déontologiques correspondant à deux perspectives. La première est que rien de ce qui peut aider les jeunes dans leur insertion ne peut ni doit être négligé. La seconde est, puisque les missions locales ont une mission de service public (Protocole 2000, droit à l’accompagnement dans la loi de cohésion sociale), que les pouvoirs publics tendent à oublier (précisément avec le contrat d’autonomie mis en appel d’offres) elles sont tenues à un devoir de loyauté vis-à-vis de ces pouvoirs publics qui les financent. Ceci étant et à partir de cet exemple, on se rend compte que la place des missions locales n’est ou, en tout cas, ne devrait pas être celle d’un « opérateur » appliquant sans sourciller les consignes qui lui sont données : elle est à l’épicentre d’une dialectique, sinon d’une dialogique, entre une politique publique et un projet associatif. La politique publique, par définition, est hétéronome. Le projet associatif, par définition également, est autonome. On voit bien aujourd’hui l’hétéronomie à l’oeuvre. On voit moins l’autonomie. Certains seraient sans doute enclins à penser que le rapport de forces ne permet guère les marges de manœuvre. Ce dont on peut être certain c’est que, s’il n’existe pas de projet associatif, la question de la dialectique, donc d’une synthèse plus ou moins orientée d’un côté ou de l’autre mais nécessairement fruit d’un compromis, serait nulle et non avenue : il ne resterait que des missions locales « opératrices », peuplés d’« agents » aussi disciplinés que peu engagés. Si tel devenait le cas, il faudrait que la CPNEF décide d’une « action prioritaire nationale », « Motiver son équipe », développant une « offre de service ». Des lieux strictement fonctionnels, pas des espaces. Bien loin des origines. Bien loin de l’engagement…
Le communiqué de l’UNML
« Depuis la mi-novembre, la Délégation Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle (DGEFP) organise des réunions quasi hebdomadaires pour suivre la mise en œuvre du contrat d’autonomie. Ces réunions, animées directement par le nouveau Délégué Général à l’Emploi et à la Formation Professionnelle, Bertrand Martinot, sont sensées concerner les départements où des problèmes existent. Dans les faits, une douzaine de départements ont déjà été examinés et plusieurs autres réunions sont déjà planifiées en janvier.
Ces réunions sont l’occasion pour les pouvoirs publics d’appeler vigoureusement la pleine collaboration des Missions Locales pour amorcer le dispositif du contrat d’autonomie, notamment en orientant vers ce dispositif des jeunes déjà accompagnés par les Missions Locales de manière à accélérer leur insertion professionnelle.
Ces réunions ont également permis à certains représentants de l’Etat en région de faire part des risques sur les renégociations des CPO pour les Missions Locales qui ne répondraient pas pleinement à leurs attentes. Sur ce point, l’UNML a d’ores et déjà saisi Bertrand Martinot pour lui faire part de son étonnement et de l’effet contre-productif d’un tel affichage.
Lors des premières réunions, l’UNML a rappelé que le dispositif avait été mis en place dans un climat de défiance envers les Missions Locales qui s’avérait peu propice à une saine collaboration entre nos structures et les opérateurs retenus.
Nous avons appelé le Délégué général à la prise en compte de ce constat et à laisser le temps aux acteurs de terrain de construire de réelles relations de confiance.
Dès les travaux préparatoires à la mise en place du contrat d’autonomie, la plupart des difficultés auxquelles sont aujourd’hui confrontés les opérateurs retenus avaient été pointées:
– forte déperdition entre le nombre de jeunes convoqués, les jeunes effectivement présents aux réunions d’information, ceux qui se déclarent intéressés et ceux qui intègrent finalement le dispositif,
– effet d’aubaine créé par le montant de la bourse allouée aux signataires du contrat d’autonomie,
– mise en concurrence du contrat d’autonomie et du Civis,
– très bonne couverture des territoires des CUCS par les Missions Locales et leurs équipes. Ce point est d’ailleurs confirmé par de nombreux opérateurs qui annoncent déjà qu’il leur sera difficile de trouver des jeunes qui ne soient pas connus de la Mission Locale.
TOUT FAIRE POUR LES JEUNES
En tout état de cause, la pression est forte pour que le contrat d’autonomie fonctionne. Il va de soi, pour l’UNML, que les Missions Locales assureront leur rôle d’accompagnement des jeunes vers l’insertion professionnelle et sociale. Dans cette logique, les jeunes qui pourraient tirer bénéfice de la signature d’un contrat d’autonomie seront évidemment orientés vers ce dispositif.
L’UNML a assuré la DGEFP que les Missions Locales ne faisaient pas, et ne feraient jamais, d’obstruction vis à vis d’un dispositif pouvant servir l’intérêt des jeunes et ce, quelles que puissent être les contraintes qu’il représente pour elles (en termes financier, d’organisation interne, de relations avec d’autres opérateurs ou même avec les jeunes car elles doivent gérer le retour de ceux qui ne sont pas retenus ou qui ne correspondent pas aux critères d’éligibilité).
Une bonne coopération avec les services de l’Etat sur cette question du contrat d’autonomie est d’autant plus importante actuellement que le chômage des jeunes augmente rapidement et que cette progression risque de s’accélérer dans les prochains mois.
Par ailleurs, la large ouverture du recours aux contrats aidés pour soutenir l’emploi qui a été annoncée par le Gouvernement pour l’année à venir devrait concerner directement les Missions Locales. En effet, notre réseau devrait se voir confier la gestion pleine et entière d’au moins un de ces contrats pour le public qu’il a l’habitude d’accompagner, à savoir les jeunes. Dès que les contours de cette ouverture seront stabilisés, nous vous en informerons.
Pour rappel, l’UNML et l’ANDML organisent conjointement une réunion de travail, le mercredi 28 janvier 2009, pour dresser un premier état des lieux de la mise en œuvre du Contrat d’autonomie, mettre en commun les difficultés rencontrées localement et mettre en avant des modalités de fonctionnement adoptées notamment au sein des comités de pilotage. Cette manifestation réunira Présidents et Directeurs concernés par le Contrat d’autonomie. »
Ah oui, ne pas oublier : meilleurs vœux pour cette année 2009 ! Elle promet.
Et, en réponse, de Bourgogne, les voeux de Régis :
Meilleurs voeux à toutes et tous…
Tiens Philippe, cela m’étonne de toi que tu n’es pas contesté l’appellation de ces contrats… qui devraient s’appeler contrats d’indépendance (car touchant à l’aspect professionnel de l’insertion) et non d’autonomie (qui touche à l’aspect social de l’insertion). {Note PL: Je n’y avais pas songé. mais, bon Dieu, mais c’est bien sûr…!}
Mais, bon, si les Missions locales font de la dialectique autour des notions d’autonomie et d’indépendance, elles ne sont pas prêtes d’être intégrées au service public de l’emploi et elles apparaîtront encore comme rebelles (ceci dit avec le plus grand sourire que permet cette crise économique et sociale -dans quel sens : aucun intérêt car ce sont toujours les mêmes qui trinquent… à la nouvelle année cela s’entend…).
Sans oublier les voeux de Pierre… de l’hémisphère sud :
Cher Philippe.
Une amicale pensée d’un réunionnais à un breton, dans ce monde qui sera sauvé par la diversité s’il n’est pas noyé avant par le communalisme. Au gui l’an 9. Et qu’il soit bienveillant pour tes sentiments, fertile pour tes pensées, riche pour tes actions et serin pour ta santé.
Et qu’il apporte pour nos Missions santé, logement, citoyenneté et vie sociale, domaines exclus par l’autonomisation d’un contrat, mais qui sont au cœur d’une jeunesse en soif d’insertion.
Bonne année d’une ile à l’autre.
Pierre