Introduction aux « fondamentaux » des missions locales.

Publié: septembre 24, 2008 dans Insertion/missions locales

Ce jour, introduction au début d’une série de contributions et à la poursuite de la rubrique « corpus ». Version début, ce sont les trois textes fondamentaux du réseau des missions locales : la Charte de 1990 et les Protocoles 2000 et 2005. Version poursuite, c’est toujours l’objectif de stabiliser les notions-clés du réseau des missions locales de telle façon à proposer des concepts robustes, transmissibles, plus qu’univoques : « unificateurs ». Cette proposition repose sur un constat, une hypothèse, un principe et un aléa.

Un constat…

On a beau dire, on a beau faire… force est d’acter que ces documents – au total une « malheureuse » (parce que facile à lire) dizaine de pages – sont peu connus, sinon le simple fait qu’ils existent, et constituent encore moins un référentiel, ce que l’on pourrait appeler « une philosophie de l’action », expression heureuse qui relie principes et pratiques, qui réinsuffle de la professionnalité (sens de l’action, engagement) dans le professionnalisme (compétences cognitives, techniques et comportementales). Certes, on trouvera des missions locales pour lesquelles ces textes demeurent vivants, par exemple dans le cadre de vrais (c’est-à-dire conçus de façon participative, écrits et révisés annuellement) projets associatifs de structure (PAS)… mais l’expérience – de plusieurs années – des formations « Culture Commune » sur tout le territoire national me fait dire que l’exception à soutenir, à encourager, ne doit pas éviter de constater que la majorité des missions locales n’incorpore pas cette logique de mise en perspective, d’arrimage entre logos et praxis. Combien de missions locales affichent-elles, dans le hall d’accueil et – la répétition étant la base de la pédagogie – à côté de la machine à café, la Charte de 1990 ? Combien – encore moins – de missions locales ont-elles pris le temps avec un groupe de jeunes de déconstruire puis reconstruire cette charte pour qu’elle s’exprime dans un vocabulaire compréhensible, accessible, appropriable, par les jeunes usagers ? Ne mettant pas en place les conditions d’un contrat social éclairé et d’une citoyenneté active, il est toujours temps, ensuite, de regretter le consumérisme des jeunes…

Une hypothèse…

Ces trois documents sont pour partie d’actualité, pour partie non pas obsolètes mais à actualiser, à contextualiser. Dans la réédition du Rapport Schwartz en 2007 (1), Bertrand Schwartz a tenu à baptiser son prologue « Pour un nouveau Rapport ». Les sept contributions de l’ANDML, troisième et dernière partie de l’ouvrage, sont inscrites sous le chapô « Manifeste pour un contrat social avec la jeunesse ». Depuis, il y a eu les évènements du contrat d’autonomie – largement commenté sur ce blog – et de la récente création du Réseau Insertion Jeunes (RIJ), initiative saluée. L’un comme l’autre ont appelé à la rescousse les « fondamentaux ». Logique. Comme dans un bateau, lorsque les pratiques dérivent, les acteurs doivent retrouver un amer : en navigation maritime, un amer est un point fixe et identifiable, une balise, un phare, qui sert de repère. Voilà l’hypothèse de ce travail : proposer à ce réseau de 12 000 professionnels et de 500 conseils d’administration (2) une connaissance critique de ses textes. Par la suite, à chaque communauté professionnelle, dans chaque structure, de se l’approprier : question de responsabilité… ou d’ordinaire prévention vis-à-vis de la complainte la plus partagée répondant au nom d’ « instrumentalisation ».

Un principe…

« Éduquer, ce n’est pas remplir un vase, c’est allumer un feu », écrivait Montaigne (que l’on peut donc considérer comme un inspirateur des nouvelles pédagogies). Découvrir, redécouvrir ou approfondir ces textes ne peut être la seule affaire d’un piou-piou (même celte) mais appelle une intelligence collective. Le blog est un outil possible de cette intelligence… dès lors que chacun s’y inscrit selon le précepte du fonctionnement en réseau, « contribution/rétribution » (j’y contribue, j’en bénéficie) ou « réciprocité » (équilibre entre ce que je donne et ce que je reçois) : « Au niveau des intervenants sociaux, le fonctionnement en réseau développe des souplesses, élargit les marges d’initiative et d’autonomie, redistribue le pouvoir et procure le sentiment d’une meilleure maîtrise sur l’acte professionnel et son impact. » (3) Chacun comprendra qu’au-delà des constats – aussi justes que récurrents – de difficultés sur les terrains (pression administrative, temporalités bousculées, primauté du quantitatif, épée de Damoclès des subventions conditionnées par les résultats… toutes choses largement exprimées lors de la dynamique de recherche-action « Schwartz-Synami »), l’intérêt essentiel d’une telle réflexion repose sur le principe (systémique) selon lequel les conditions d’atteinte des objectifs comptent tout autant que l’atteinte de ces objectifs. Autrement dit, sur les contributions des uns-unes et des autres, le passage du lecteur ou spectateur (derrière son écran) à l’acteur (dans la production de connaissances partagées)… ce que l’on appelle une « situation ». A vérifier in vivo.

Un aléa…

« L’histoire des missions locales : un long fleuve pas si tranquille », écrivait justement Michel Abhervé dans notre ouvrage L’insertion professionnelle et sociale des jeunes… ou l’intelligence collective des missions locales (2006, Apogée). L’histoire n’est pas que passé mais se construit chaque jour… et force est de constater que l’actualité n’est pas pingre pour alimenter les débats au sein du réseau. Il faut donc s’attendre à ce que cette réflexion sur les fondamentaux soit non pas interrompue mais parfois suspendue le temps de contributions aussi diverses que nécessaires… soit pour saisir les opportunités, soit encore pour enrayer (autant que faire se peut) une dérive, soit enfin simplement pour informer. Mais, n’est-ce pas, l’aléa est une chance à saisir, pas à combattre, comme l’écrit Edgar Morin.

 Alors, chiche ? On s’y lance ?

 

(1) Bertrand Schwartz, Rapport sur l’insertion professionnelle et sociale des jeunes. 1981 : naissance de l’insertion. Suivi de Bien sous tout Rapport (Philippe Labbé) et Manifeste pour un contrat social avec la jeunesse (ANDML), 2007, éditions Apogée.

(2) A ce propos, louable initiative de l’animation régionale des missions locales et PAIO de Champagne-Ardenne dans son programme de formation 2009 : une formation « Culture Commune » pour les administrateurs.

(3) Philippe Dumoulin, Travailler en réseau, 2003, Dunod.

commentaires
  1. Jean Philippe REVEL (CGT ML/PAIO) dit :

    De la soumission à l’offensive !

    rééditer le rapport Schartz, certes …
    former les administateurs à « Culture Commune », très bien …

    mais se soumettre à la CPO, ou l’utiliser comme fin absolue et non comme moyen d’accéder aux fondamentaux, c’est NON

    Redécouvrons donc les textes fondamentaux, comme l’on redécouvrit les textes grecs à la Renaissance,et

    plutot qu’ « Allumons le feu » (tendance Johnny)

    je préfère scander « EDUQUONS ! » (version Montaigne)

    Chiche !
    avec large mobilisation des salariés de la branche ML/PAIO

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