Contrats d’autonomie : petits arrangements entre amis

Publié: juin 29, 2009 dans Insertion/missions locales

Dans L’Humanité du 29 juin 2009, un article de Dany Stive paru sous le titre « Les petites manipulations du secrétariat d’État à la Ville ». In extenso.

« Pour améliorer le mauvais bilan des contrats d’autonomie pour l’emploi des jeunes, les services de Fadela Amara ont détourné le travail de missions locales au bénéfice d’un opérateur privé.

Jusqu’où les services de Fadela Amara sont-ils prêts à aller pour sauver les apparences et présenter un bilan honorable du plan Espoir banlieues ? Et, plus particulièrement, de l’une de ses mesures phares : les contrats d’autonomie. Ces contrats d’accompagnement dans l’emploi pour les jeunes des quartiers populaires, qu’un appel d’offres gouvernemental a offert à des opérateurs privés, devaient aboutir dans les trois ans (à partir de mai 2008) à l’embauche de 45 000 jeunes dans 35 départements. Un an après le lancement de cette « démarche volontariste », les résultats sont si loin du cap fixé par le secrétariat d’État chargé de la Politique de la ville que ce dernier n’a pas hésité à se livrer à une incroyable manipulation.

Dans les missions locales de la boucle nord des Hauts-de-Seine (Asnières, Clichy-la-Garenne, Colombes, Gennevilliers, Villeneuve-la-Garenne), les professionnels qui se battent pour trouver des emplois aux jeunes des quartiers populaires n’en reviennent toujours pas. Ils ont été victimes du détournement par le secrétariat à la Ville d’un travail commencé il y a plusieurs années avec la RATP au bénéfice de l’opérateur privé qui, dans ce territoire, gère les contrats d’autonomie : C3 Consultants.

Depuis 2002, un partenariat lie la Régie des transports parisiens et les missions de la boucle nord pour recruter des conducteurs de bus. Non pour favoriser les jeunes de ce secteur – il n’y a aucune dérogation – mais pour les accompagner efficacement dans un processus qui dure de trois à six mois et qui passe par quatre étapes incontournables : un test de culture générale, des tests psychotechniques, une visite médicale et, enfin, un entretien avec le responsable d’une ligne de bus. Échouer à une des étapes condamne le candidat à ne pas représenter son dossier avant un délai d’un an. Cela étant, plus de 60 personnes ont ainsi intégré la RATP. Résultat appréciable mais insuffisant selon les professionnels. En raison de deux écueils : le laps de temps trop long entre le dépôt du dossier (déjà bien douloureux à monter) et le dernier entretien, qui provoque beaucoup « d’évaporation » de candidats ; et le test de culture générale sur lequel butent trop de novices. Grâce au Fonds d’insertion professionnelle des jeunes, les missions mettent donc en place une préparation spécifique – français, maths, connaissance de l’entreprise… – pour que le premier obstacle ne soit plus rédhibitoire. Quant à la durée du processus, une réflexion avec la RATP est engagée.

Le 4 juin, Fadela Amara visite le dépôt de bus Charlebourg à La Garenne-Colombes. La RATP a, pour l’occasion, invité quelques représentants des missions locales pour qu’ils présentent leur travail commun de recrutement de jeunes. L’exposé est si convaincant que le directeur de cabinet de la secrétaire d’État demande une note de synthèse qui lui est adressée le jour même. Le 10 juin, les missions locales de la boucle nord des Hauts-de-Seine reçoivent un mail de C3 Consultants, qui leur rappelle étrangement quelque chose. La missive commence par : « Dans le cadre de sa stratégie de recrutement, la RATP souhaite recruter 60 machinistes en contrat de professionnalisation », se poursuit par : « L’objectif de cette opération est d’accélérer et de simplifier les procédures de recrutement. En effet, à l’issue de l’information collective, si la candidature est présélectionnée (sic), il sera remis le jour même une convocation pour les tests qui se tiendront le 9 juillet au siège de la RATP », et se conclut par un appel de C3 Consultants aux missions pour qu’elles lui adressent des candidatures potentielles, vu les délais très courts.

Dans les missions locales, on s’étrangle ! Le détournement est évident. La note de synthèse a effectivement retenu toute l’attention du secrétariat d’État. On ne s’attendait pas à ce qu’elle soit ainsi recyclée. Quinze jours entre le dépôt de dossier du candidat et le premier test : les professionnels des missions, depuis des années, en rêvaient. Mieux, ils oeuvraient pour sa réalisation. Mais ils n’en profiteront pas : les services de Fadela Amara ont choisi C3 Consultants pour mettre en place cette procédure accélérée. Le bénéfice espéré de ce tour de passe-passe vaut bien un coup de canif au service public de l’emploi. »

C’est dit. Et ce n’est pas faux. Aux missions locales qui « s’étranglent » de passer du stade de la stupéfaction à celui de la revendication. Debouts plutôt qu’asphyxiées.

commentaires
  1. Jean Philippe REVEL (syndiqué CGT ML/PAIO) dit :

    Autant donner l’argent dévolu à C3 directement à la RATP, avec les primes pour les embauches en contrat de professionnalisation prévues ce sera le jack pot, mais on éliminera un intermédiaire !!!
    jusqu’où ira F. Amara ?

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