Qu’est-ce qui fait courir les intérimaires ? 3/3

Publié: septembre 20, 2008 dans Au gré des lectures

Troisième et dernière contribution sur l’intérim suscitée par l’article de Dominique Glaymann paru dans la revue Partage de septembre…

L’intérimaire nomade et chasseur de primes : une exception…

Dans Partage, Dominique Glaymann va plus loin en proposant une classification en onze types distribués en quatre grandes catégories dénommées « choix » et présentés du pire au mieux, à partir d’une évolution de la détermination externe totale (« non-choix » ou intérim subi) jusqu’à la démarche volontariste et autonome (« par choix du nomadisme » ou intérim choisi) :

– Les « choix faibles » pour 35% des intérimaires, recouvrent le « non-choix », le « faute de mieux » et « pour avoir un emploi et un revenu ».

– Dans les « choix contingents », également 35% des intérimaires, on trouve les raisons de « en attendant », « pour changer de situation » et « lors d’une reprise d’activité ».

– Les « choix utilitaristes », 20 % des intérimaires, correspondent à « pour trouver un emploi », « pour gagner en expérience » et « comme tremplin vers un CDI ».

– Enfin les « choix autonomes », c’est-à-dire l’intérim choisi, concernent 10% des intérimaires qui avancent comme motifs  « pour ses avantages » et « par choix du nomadisme ».

Au sommet de ces onze types hiérarchisés en autant de degrés d’autonomie, on trouve donc (non formulé comme tel) le serial worker, selon une expression d’Outre-Atlantique, c’est-à-dire l’ouvrier hautement qualifié et très recherché qui fait monter les enchères et qui « assassine » les employeurs. Chasseur de primes dans la plus pure tradition des westerns, il peut faire rêver mais il ne représente qu’une partie des 10% d’intérimaires « autonomes » et, en tout état de cause, ses habits ne peuvent être enfilés par les jeunes usagers des missions locales : hautement qualifié… Par contre, celles et ceux pour qui l’intérim est subi et ne correspond pas stricto sensu à une stratégie, parce qu’il faut bien se nourrir ou en attendant mieux, représentent neuf personnes sur dix : elles n’ont d’autre choix parce qu’elles butent aux portes des voies traditionnelles de recrutement. Ainsi, « une grande majorité d’intérimaires cherchent à avoir un emploi pour gagner leur vie et pour acquérir un statut « normal ». Ils n’ont pas choisi d’être intérimaires même s’ils ont décidé un jour de le devenir. »

Capitaliser pour passer du tactique au stratégique.

L’intérim, exceptionnellement, marginalement, peut donc être un chemin pour s’insérer et parvenir à terme à une intégration réellement stabilisée. Cependant, pour une grande majorité d’intérimaires (et, parmi eux, les jeunes), l’intérim en tant que succession aléatoire de missions généralement courtes constitue un risque dont le plus courant est le chômage de rotation : les périodes d’activité diminuent progressivement au profit de celles d’inactivité qui croissent. En tant que succession aléatoire… : ceci signifie que, si parfois l’intérim peut être utile, ne serait-ce que d’un pur point de vue économique mais également comme stimulus pour produire un effet de levier, le passage d’une logique tactique (seulement adaptée au présent) à une logique stratégique (reposant sur un projet à moyen-long terme) ne peut faire l’économie d’une capitalisation des expériences professionnelles : là sans doute plus qu’ailleurs, l’enrichissement du CV, la validation des acquis, le portefeuille de compétences, les attestations multiples, doivent être l’objet d’une vigilance particulière de l’intervenant social.

Le risque d’une disqualification contaminante.

Faute de quoi, le jeune intérimaire correspondrait au modèle de « l’intégration disqualifiante » de la typologie proposée par Serge Paugam (1). Dans cette situation, l’intérimaire est insatisfait de son travail (contenu) et de son emploi (instabilité). Cette intégration disqualifiante n’offre « en réalité au salarié que le cadre élémentaire de son intégration {subvenir à ses besoins primaires} et le prive en même temps de tout ce qui peut lui donner un sens, à savoir la reconnaissance, la dignité, le moyen d’expression et enfin la stabilité. » (2). Ce qu’écrit Serge Paugam au sujet de l’intégration disqualifiante vient d’ailleurs conforter le concept d’approche globale puisque « … lorsque l’intégration dans une sphère est menacée au point de disqualifier l’individu, des menaces pèsent également dans l’autre. La disqualification professionnelle renforce le risque de disqualification conjugale, le risque de disqualification parentale, le risque de disqualification familiale… » A force de l’écrire, le dire et le répéter, cela finira bien par rentrer.

Quant à l’intérim, tout compte fait, une fois qu’on y est embauché l’intérêt est d’en sortir rapidement.

 

 (1) Serge Paugam, Le salarié de la précarité. Les nouvelles formes de l’intégration professionnelle, 2000, PUF.

(2) Serge Paugam, « La solidarité organique à l’épreuve de l’intensification du travail et de l’instabilité de l’emploi », (sous la direction de) Serge Paugam, Repenser la solidarité, 2007, PUF, p. 390.

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